Oeuvre de Manon Guittot, photos & textes
Ce projet prend racine en décembre 2022.
Entre deux jobs, j’obtiens 30 jours de congés durant lesquels je décide de partir pour un projet humanitaire en Inde avec la Blue House Project.
J’y vais pour documenter à l’argentique et super 8 l’émancipation des femmes d’un camp du désert de Pushkar (Rajasthan) issues d’une des castes les plus pauvres d’Inde.
Elles sont souvent mères d’une dizaine d’enfants à moins de 30 ans, et sans aucune source de revenu personnel. Elles espèrent et travaillent à changer leur destin grâce à une formation à la couture dans une petite association de la ville.
Je suis témoin là-bas d’un paradis autant que d’un enfer, la misère et l’opulence sont voisines et absolument tout abrite contrastes et contradictions.
Mais le choc que je ressens est ailleurs.
Ce sentiment d’écartèlement, cette dissymétrie, je les connais, je les ai rencontrés à un tout autre endroit, deux mois plus tôt, aux Etats-Unis. Une terre où le désespoir côtoie les étoiles, où rêve et cauchemar se confondent.
Comment ces deux parties du globe que tout semble opposer peuvent-elles se superposer et dialoguer en moi comme-cela ?
Humanité universelle. C’est ce sentiment d’Humanité universelle que je veux ici raconter.
Un grand terme pour un projet humble et humain, que j’espère touchant à un niveau primaire. Afin de relativiser, de mettre en perspective cette unité, se dégager de tout préjugé d’origine et juste apprendre à voir et aimer, avec justesse.
Et comme par simple vérité, d’une photo à l’autre, le dialogue a commencé à prendre vie…
[EXTRAIT]
paris
novembre 2022
ciel cotonneux
départ pour le monde

pushkar
décembre 2022
pieds enracinés
que le monde vienne

rouge jour
rouge vie
rouge nuit
rouge vice


7:32 pm
ville bleue
à l’ombre d’un ciel d’été
la mère louve réclame ses petits
il est l’heure de dîner


10:57pm
route poussiéreuse, ciel brûlé
bungalows fantômes mirages d’une californie
rêvée
il est l’heure de s’en aller


Paradis artificiel
l’œil en amande impatient
la rage de vivre gronde
atmosphère moite
lève les freins et montre-moi le monde


chaos à venice beach
vide d’après tempête :
bikinis envolés
touristes emportés
paradis troublé
les sans-abris errent sur la jetée
tels des fantômes oubliés
zigzaguant entre les branches de palmiers sectionnées
enfin un peu de tranquillité
leur maison est sous leurs pieds
ferraille et plastique brûlants
sable éblouissant
horizons mouvants
– est-ce un mirage ?
une journée pareille à celle d’hier pour les enfants du camp
avec pour meilleur compagnon
l’imagination
avec pour seule limite de jeu
la faim et le soleil couchant
et demain, lorsqu’il s’éveillera à nouveau
les cerfs-volants l’accompagneront
insouciants
dans son ascension




élévation